Les jouets peuvent faire l’objet d’une protection par l’ensemble des droits de propriété intellectuelle :
- Le nom et/ou la forme peuvent être protégés par une marque
- Les aspects techniques permettant le fonctionnement du jouet sont protégeables par des brevets
- L’apparence du jouet est elle protégeable par les dessins et modèles et éventuellement par les droits d’auteur
En pratique, les concepteurs de jouets déposent régulièrement des droits de propriété intellectuelle sur leurs nouvelles créations pour empêcher les copies.
Le besoin de protection est particulièrement sensible dans ce secteur puisque le marché est mondial et représente un chiffre d’affaires considérable. De plus, il existe des pics de vente comme la période précédant noël où une protection efficace est fondamentale pour éviter l’afflux massif de contrefaçons.
C’est en effet le revers de la médaille : l’essentiel de la production est réalisé en Chine et les jouets les plus vendus font l’objet de contrefaçons quasi-immédiatement. L’arrivée de contrefaçon est souvenr très rapide.
L’exemple des fameux Fingerlings permet d’illustrer la problématique de la protection des jouets par la propriété intellectuelle. Ces Fingerlings ont été commercialisés par la société WowWee Group Limited située à Hong-Kong. Si vous n’êtes pas un jeune parent, vous ne connaissez probablement pas ces petits singes qui réagissent aux sons, aux mouvements et aux touchés, en clignant des yeux, tournant la tête, ou en criant.
En 2017, les Fingerlings ont été vendus à plus de 11 millions d’exemplaires dans le monde[1]. Ce succès a malheureusement entrainé l’arrivée sur le marché de nombreuses contrefaçons dans un délai très bref.
Plusieurs décisions rendues par l’EUIPO révèlent que la société WowWee a été contrainte d’engager plusieurs actions contre des dépôts de dessins et modèles réalisés par des sociétés chinoises sur des copies quasi-identiques des Fingerlings.
Ces décisions illustrent une tendance émergente de sociétés – souvent chinoises – qui déposent des titres de propriété industrielle sur des copies, détournant ainsi la propriété intellectuelle de sa finalité[2].
Des dépôts de mauvaise foi réalisés avant les dépôts de WowWee !
Avant même que WowWee ne dépose des dessins et modèles en Europe pour protéger l’apparence des Fingerlings, des sociétés chinoises ont déposé des dessins et modèles communautaires sur des jouets reproduisant ces jouets.
Dans une première décision du 22 mars 2019, la société WowWee a obtenu la nullité d’un premier dépôt en date du 25 septembre 2017 pour défaut de nouveauté sur la base des divulgations qu’elle avait réalisées à compter de mars 2017[3].
Le défaut de nouveauté était manifeste :
Dans une autre décision du 25 mars 2019, la société WowWee a obtenu également la nullité d’un dessin et modèle communautaire déposé le 21 septembre 2017[4]. Dans cette affaire, le déposant avait modifié les couleurs ce qui explique que la nullité est accordée sur la base du défaut de caractère individuel :
Une troisième décision de nullité a été rendue le 14 mai 2019 contre un dessin et modèle déposé le 15 septembre 2017, toujours par une société chinoise[5] :
De nouveaux dépôts de mauvaise foi après la protection par dessins et modèles
Finalement, la société WowWee a déposé des dessins et modèles communautaires le 10 octobre 2017 mais ces dépôts n’ont pas empêché des sociétés de déposer des dessins et modèles quasi-identiques ultérieurement.
Ainsi, dans une décision du 3 septembre 2019, l’EUIPO a annulé pour défaut de caractère individuel un dessin et modèle déposé le 7 novembre 2017, cette fois par une société située aux Iles Vierges Britanniques[6] :
L’absence de chevelure et la différence de couleurs n’empêchent pas que l’utilisateur averti perçoive les deux modèles comme étant les mêmes.
Également des problèmes de marques !
La société WowWee a également formé opposition contre une marque de l’Union Européenne FINGERLINGS déposée le 22 septembre 2017 par une société chinoise notamment en classe 28 pour des jouets.
La société WowWee n’ayant déposé sa marque de l’Union Européenne que le 25 septembre 2017, elle a dû prouver l’existence d’une marque non-enregistrée antérieure en application du droit anglais qui était applicable en l’espèce.
L’opposition a été reconnue fondée en ce qui concerne la classe 28 mais pas pour la classe 12 pour laquelle la marque première était également déposée[7].
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En conclusion, l’exemple des Fingerlings permet de tirer certains enseignements :
- La société WowWee a vraisemblablement trop tardé à protéger ses créations par les droits de propriété intellectuelle (à tout le moins en Europe).
Cet écueil a nécessité d’engager plusieurs procédures contre des dépôts effectués par des tiers de mauvaise foi. L’anticipation des dépôts est nécessaire pour éviter cette situation.
- Le succès du produit a entrainé l’apparition de contrefaçons très rapides nécessitant la mise en place de procédures efficaces (comme les retenues en douanes, très efficaces au niveau européen).
Or, la tardiveté des dépôts en septembre 2017 n’a probablement pas permis d’empêcher assez tôt l’arrivée massive de contrefaçons pour noël 2017.
- En plus de lutter contre les contrefaçons, il a fallu engager des procédures en nullité contre des dessins et modèles ultérieurs.
La surveillance des dépôts réalisés est une nécessité également. En effet, si un titulaire dispose de marques ou de dessins et modèles en Europe, il peut plus facilement s’opposer aux demandes de suppression sur les plateformes de vente en ligne en justifiant qu’il dispose de titres enregistrés.
[1] Article du Monde du 29 janvier 2018, Les Fingerlings débarquent en France
[2] Voir mon article « La propriété intellectuelle détournée : la protection des contrefacteurs de mauvaise foi », https://www.village-justice.com/articles/propriete-intellectuelle-detournee-protection-des-contrefacteurs-mauvaise-foi,32031.html#HscPV6rIq7gk0KyV.99
[3] EUIPO, 22 mars 2019, Décision ICD 103 159
[4] EUIPO, 25 mars 2019, Décision ICD 103 520
[5] EUIPO, 14 mai 2019, Décision ICD 103 522
[6] EUIPO, 3 septembre 2019, Décision ICD 103 419
[7] EUIPO, 30 janvier 2019, Opposition N° B 3 018 093
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